
Chevillée au coeur des musiques du monde, l’idée de voyage, d’odyssée musicale, de nomadisme artistique. Il y a bien dans le propos de la Compagnie Rassegna cet appel à une circulation géographique, extensive, parmi les ressources d’une Méditerranée nourricière : étendue à ses quatre composantes latine, balkanique, orientale et africaine, c’est en elle que le collectif puise son matériau initial, les données de sa grammaire sensible.
Mais à ces invitations à l’exil créatif et au dépaysement, la compagnie ancrée à Marseille combine une dimension proprement intensive. Menée par le guitariste et compositeur Bruno Allary, forgée sur un collectif humain solide et mobile — où convergent univers artistiques marqués et pratiques musicales diverses — elle s’empare de ces héritages pour les questionner et les confronter, pour révéler ce qu’ils ont de familier au coeur, mais aussi de profondément énigmatique.
Cette verticalité forte, pénétrante, sur le modèle du sondage géologique, permet de traverser le feuilleté de sonorités et savoirs stratifiés, pour donner à entendre la richesse composite, et toute la complexité, brute, de cette patiente accumulation.
Guidée par son goût du décentrement, la Compagnie Rassegna travaille aussi depuis plus de 20 ans à déjouer les grands partages — modal/tonal, sacré/profane, savant/populaire — qui font l’ordinaire de la pratique musicale, au profit d’une fluidité assumée des genres et des formes. Affranchie du cours lénifiant du temps, elle façonne une histoire vigoureuse, aux temporalités contrariées, où l’anachronisme, comme ressort créatif central, joue pleinement de son pouvoir de provocation.
C’est que son travail se distingue par une sensibilité aux passages, et à ces zones de turbulence où styles, pratiques, et époques s’entrechoquent en une remuante indiscipline.
Au fil des créations, la Compagnie Rassegna, sous la direction de Bruno Allary dessine des paysages musicaux hérissés de singularités, explorant avec bonheur une esthétique de l’entre-deux qui trouble les genres et les codes, et en creux de l’artistique, questionne les représentations tacites propres aux imaginaires de Méditerranée.